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Les développeurs de jeux vidéo l’ont compris depuis longtemps, les trophées permettent d’accrocher les joueurs en les incitant à explorer le jeu différemment.
Ne pourrait-on pas porter ce principe au management et utiliser ces trophées pour impliquer davantage vos collaborateurs ?
Mais d’abord, un trophée, c’est quoi ?
L’accès des consoles de jeux à Internet a permis l’émergence des succès, aussi appelés trophées. Ceux-ci sont débloqués par le joueur lorsqu’il réalise des actions bien particulières définies par les développeurs, et qui restent pour la plupart indépendantes des objectifs du jeu. Certains démontrent la pugnacité du joueur, d’autres ses compétences, son implication, voire ses bévues !
Quelques exemples de trophées :
- Traverser le niveau 5 en moins de 3 minutes
- Acheter 200 potions au marché de la ville
- Faire une chute de 500 mètres
- Tuer 5 ennemis avec une seule grenade
- Terminer 10 missions avec l’épée longue
Ce sont avant tout des récompenses honorifiques, et sont par conséquent directement rattachées au compte du joueur. Ainsi, l’ensemble de la communauté peut mesurer les trophées obtenus par un joueur, leur rareté et le score qui en découle.
Et concrètement, à quoi ça sert ?
Pour le joueur, les trophées ne servent à rien d’autre que d’exhiber une collection reflétant sa maitrise des jeux auxquels il a joué. Et c’est déjà beaucoup ! En effet, il ne faut pas négliger l’impact de ce type de récompense sur les individus : obtenir une forme de reconnaissance, qui de plus est admirée par la communauté, est un formidable levier d’addiction.
On en vient donc à un des principaux intérêts pour les développeurs : Rendre le jeu plus addictif. Si finir le niveau 5 par exemple est tout-à-fait accessible et ne demande que peu d’efforts au joueur, le finir en moins de 3 minutes pour obtenir le trophée associé l’est beaucoup moins ! Le joueur devra s’y reprendre plusieurs fois, et la durée de vie du jeu (qui mesure sa capacité à accrocher un joueur) en est décuplée. De même, peu de joueurs n’auraient pensé jeter leur personnage du haut de cette falaise, entrainant sa mort et donc un game over. Le trophée récompensant cette action pousse à ce comportement alors que ni le gameplay ni le scénario du jeu ne l’aurait pas.

Le second intérêt est plus subtil : en examinant l’ensemble des trophées débloqués par tous les joueurs pour un jeu donné, les développeurs ont accès à un formidable outil d’analyse comportementale ! 86% ont atteint le niveau 5 et seulement 38% le niveau 6 ? Il y a une réelle perte d’engouement à ce niveau du jeu ! Seulement 22% des joueurs ont débloqué le trophée récompensant l’utilisation récurrente de l’épée longue ? Il y a sans doute un problème d’équilibre ou de facilité d’accès avec cette arme… Ils ont ainsi les informations nécessaires à l’amélioration du jeu (via patch ou DLC) voire au développement d’une suite.
Les trophées augmentent donc l’implication du joueur et permettent de comprendre son comportement.
Bien beau tout ça, mais le management par les trophées alors ?
Pour le coup, la transposition au monde du management du concept des trophées est simple. On imagine facilement les avantages :
>>> Valoriser vos collaborateurs
>>> Développer leur implication
>>> Piloter finement leurs mission
Le fond du trophée
Tout d’abord, trouvez des objectifs pour ces trophées :
- Liés à l’activité et aux missions confiées à vos collaborateurs
- Liés à des axes d’améliorations que vous souhaitez développer
- Liés à des tâches secondaires, ces actions nécessaires mais non primordiales
Ces objectifs doivent être le plus générique possible de sorte que n’importe quel collaborateur puisse obtenir le trophée associé. « Finaliser l’évolution #16 pour le client A » est sans doute trop spécifique si vous avez vous-même décidé quels collaborateurs seront chargés de ce sujet. Les autres ne pourront tout simplement jamais obtenir ce trophée.
Profitez des trophées pour approfondir vos axes d’amélioration !
Votre pool d’anomalies est beaucoup trop élevé ? Créer des trophées récompensant ceux qui contribuent à sa diminution.
Vous voyez trop de mails transiter chaque jour ? Créer des trophées pour les plus économes.

Enfin, vos tâches secondaires doivent se retrouver dans vos trophées.
La pompe de pressurisation est en sale état et ça fait plusieurs mois que tout le monde se répète qu’il faudrait prendre le temps de la nettoyer complètement… A vous de créer le trophée récompensant le courageux qui va le faire !
Non seulement vos tâches secondaires avanceront sans votre appui, mais en plus par le biais de collaborateurs motivés pour cela !
La forme du trophée
Vous avez vos objectifs, il vous faut les trophées !
Un trophée, c’est bien entendu un objectif, mais aussi un titre cool, une couleur et une illustration.
Le titre doit être fun et évocateur. Dans l’exemple de la pompe de pressurisation, le trophée pour celui qui la nettoiera pourrait s’appeler « Décrasseur ». Celui qui permet de réduire le pool d’anomalie « Bug Killer ». Laissez votre imagination faire son boulot.
La couleur permet de classer le trophée : Bronze, argent et or pour un classement par difficulté ; Bleu, vert et rouge pour un classement par catégorie.
Enfin, l’illustration doit être simple (les banques d’images sont vos amis) et faire référence à l’objectif. Elle pourra ainsi être affichée par votre collaborateur dans sa signature interne, ou son espace perso.
Un fichier accessible de tous devrait recenser l’ensemble des trophées actuellement en jeu, de sorte que chacun puisse en prendre connaissance. Invitez vos collaborateurs à vous prévenir lorsqu’ils pensent mériter un trophée, et surtout ne chipoter pas pour les accorder. Soyez juste et généreux, comme d’habitude !
Quelques limitations
Le principal défaut des trophées serait d’instaurer une compétition néfaste entre vos collaborateurs. L’objectif n’est pas de stigmatiser les collaborateurs ayant peu de trophées, mais bien de valoriser les autres.
Surtout, ne proposez pas d’affichage global qui pousserait à la comparaison. De plus, ils ne doivent pas être un critère dans la détermination des performances globales de votre collaborateur lors des entretiens annuels. Exit donc les « de l’équipe, c’est toi qui as obtenu le moins de trophée cette année »…
Le trophée n’est pas un outil de mesure de la performance !
Enfin, vous devriez limiter la portée des trophées à votre service. Comme dans le jeu vidéo, un trophée n’a de valeur qu’aux yeux de ceux qui cherchent à les obtenir. Il serait contreproductif d’afficher ces trophées aux yeux de tous. C’est votre process interne, laissez-le là où il est.
Le pilotage par vos trophées
Les trophées motiveront vos troupes, c’est déjà un excellent point. Mais ne vous arrêtez pas là ! Examinez précisément quels trophées sont décrochés, lesquels sont boudés, vous saurez ainsi quelles tâches ne sont pas appréciées, car ingrates ou difficiles. Rendez les attractives en les divisant en sous-tâches accessibles chacune associée à un trophée. L’appât du gain devrait faire son effet.
De même, permettez à vos collaborateurs d’afficher fièrement leur trophée, mais pas tous. Seulement le top 3 à leurs yeux. Vous aurez ainsi une vision claire des tâches qui leur apportent de la fierté. C’est primordial.
Les trophées constituent un super outil pour mieux comprendre vos collaborateurs et en tirer le meilleur. Et ça, ça tombe quand même super bien… Parce que c’est votre job !